Au début, Camille n’y avait pas cru une seule seconde, car qui croyait encore aux prophéties, à la magie et aux contes de fées?
La vieille dame qui lui avait remis le coffret ce soir-là sous une pluie glaçante avait de loin l’allure d’une méchante sorcière. Et pourtant, lorsqu’elle s’était approchée d’elle, Camille s’était sentie envahie par une vague de chaleur réconfortante et elle avait observé une lumière apaisante se diffuser en elle et autour d’elle.
Les yeux vert clair de cette étrange et fascinante créature lui avaient paru exprimer une bonté tellement forte et rare qu’elle s’était demandé si cette rencontre ainsi que le murmure de la prophétie étaient bien réels.
Le temps que Camille pose son regard sur le coffret qu’elle serrait fort dans ses bras, la messagère avait disparu, comme si elle avait été avalée par la pluie.
Lorsque les nuages se dissipèrent, Camille leva les yeux vers le ciel et aperçut la lune croissante qui semblait lui sourire. Puis elle crut distinguer les trois fées de son enfance sur la ceinture d’Orion, lorsqu’une étoile filante transperça cette peinture céleste.
Elle venait de faire un voeu cher à son coeur et crut alors être victime d’une hallucination.
Non, tout cela ne pouvait pas être réel et lui arriver « pour de vrai ».
Elle rangea le coffret sans l’ouvrir dans un lieu qu’elle seule pouvait connaître et elle l’oublia pendant neuf ans.
Le soir de son vingt-cinquième anniversaire, elle devait se rendre à un bal dont le thème était "les princes et les princesses".
Elle chercha une idée de costume partout dans la cave, dans ses armoires, puis dans les caisses de vêtements anciens et de déguisements entassées dans le grenier, mais elle avait tellement grandi et minci qu’aucune étoffe ne trouvait grâce à ses yeux.
Soudain, elle se souvint de la prophétie et décida d’accomplir ce qui lui paraissait être l’action la plus stupide de sa vie, à savoir ouvrir le coffret mystérieux et honorer la promesse qu’elle avait eu le temps de faire à la vieille dame avant qu’elle ne s’évanouisse dans la brume.
Lorsque Camille découvrit la robe rouge, les chaussures et la parure de bijoux, elle n’en crut pas ses yeux.
Chaque perle, chaque détail et chaque pli de l’étoffe ressemblait d’une manière troublante à ceux qui figuraient dans la peinture monumentale qu’elle avait mis neuf années à créer et qui était exposée dans la salle de bal.
Comment avait-elle pu peindre aussi précisément quelque chose qu’elle n’avait jamais vu?
En suivant son instinct, elle décida d’essayer cette robe sublime qui lui parut avoir été créée sur mesure pour elle et qu’elle n’aurait jamais osé porter ailleurs que dans un monde imaginaire. Lorsqu’elle découvrit que les escarpins étaient parfaitement ajustés à ses pieds, elle choisit de cesser de s’étonner de ces étrangetés afin de mieux les apprécier.
Lorsqu’elle descendit les marches de l’escalier d’honneur qui menait à la salle de bal, un immense silence se fit dans l’assemblée et chacun jura avoir vu une apparition, la beauté et la perfection incarnées.
Camille conserva son secret jusqu’à sa mort, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, et transmit son coffret magique à son arrière petite fille, Lolita, qui avait hérité de sa beauté, de sa créativité, ainsi que de sa capacité à faire surgir le merveilleux dans le quotidien, mais qui était encore trop jeune pour accueillir pleinement la puissance de la prophétie.
Sereine et heureuse, Camille s’envola avec légèreté dans les étoiles, avec la conviction qu’elle reviendrait dans quelques années faire une visite furtive à l’héritière de sa magie.
Alexandra Fadin
(extrait de "Contes
Merveilleux du Quotidien", tous
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